Harry PARTCH


Le point de départ de l’œuvre de Harry Partch fut sa volonté de restituer la musicalité de la voix humaine à travers la musique instrumentale. Cette entreprise l’a amené dans un premier temps à de grandes frustrations, qui le conduisirent à détruire toute trace de son œuvre écrite avant 1930. Ce n’est qu’après cette date qu’il entrevoit en effet plusieurs solutions à son problème. Tout d’abord il découvre la microtonalité, qui lui permet de se débarrasser de la gamme tempérée occidentale et de remplacer l’échelle diatonique – et même l’échelle chromatique qu’il juge insuffisante – par une nouvelle échelle musicale de son invention, comportant 43 degrés, mieux à même selon lui de rendre les intonations de la prosodie classique qui le fascine. Cette nouvelle gamme l’obligea à se pencher sur le problème, insoluble dans certains cas, de l’accordage de ses instruments, et le poussa vers ce qui devint par la suite une de ses passions : la conception et la construction de nouveaux instruments. Il se dira par la suite autant compositeur – musicien-philosophe pour reprendre ses termes exacts – qu’ébéniste. Il se bâtira ainsi un instrumentarium complet, comprenant des adaptations, des dérivés d’instruments existants – violons adaptés, guitares préparées, etc. – ainsi que des inventions plus complexes. C’est sur ce matériel qu’il entreprendra son œuvre musicale, impossible à interpréter autrement, et qu’il se lancera dans des pièces de grande envergure, dont il trouve l’inspiration en partie dans la littérature classique de Sophocle, Euripide ou Shakespeare, en partie dans sa propre biographie.

Il mettra ainsi en scène et en musique quelques épisodes de sa vie de hobo, lorsque la crise économique de 1929 l’avait jeté sur les routes comme un vagabond, et obligé à faire le tour des États-Unis à la recherche de travail, en se glissant dans les trains comme passager clandestin. Il tirera de cette vie d’aventures la base de plusieurs pièces ainsi qu’un livre intitulé Bitter Music, qui représente son journal de ces quelque dix années passées dans la misère. On trouve des échos de cette période dans sa pièce la plus célèbre, Delusion of the Fury, qui mêle plusieurs influences rarement fondues en une seule composition. Elle est basée sur un conte africain, ainsi que sur plusieurs pièces japonaises de théâtre nô, le tout entrelacé de références typiquement américaines à la vie de hobo. La pièce met en scène les instrumentistes et des danseurs, qui sont tous également chanteurs. Elle est jouée par un ensemble exclusivement formé d’instruments imaginés et construits par Harry Partch, et en partie interprétée dans une langue de son invention. Sa première représentation en 1969 à Los Angeles, a longtemps été sa seule performance publique, et il faudra attendre 2007 pour qu’elle soit montée à nouveau, à New York. Le contenu ésotérique de la pièce – une complexe histoire de fantômes, de ressentiments et de rédemption – ainsi que l’étrangeté de la musique de Partch pour l’époque, ont, malgré les multiples marques de reconnaissance d’institutions universitaires et académiques, longtemps rebuté le public et les salles de concerts, et ainsi longtemps cantonné dans l’ombre un des plus grands compositeurs américains.

(Benoit Deuxant)


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PARTCH, Harry
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