Christian WOLFF


Durant les années 1950, la scène musicale académique, dominée par les pratiques du sérialisme et ses dérivés, est bouleversée par l’apparition de « l’école de New York ». Ce groupe de compositeurs et musiciens iconoclastes (John Cage, Morton Feldman, Earle Brown, etc.) s’émancipe des systèmes de notation traditionnels, donne plus de poids à la latitude de l’interprète et fait du silence et de l’épure des éléments centraux de son œuvre.

D’abord élève puis collaborateur de John Cage, Christian Wolff commence à composer jeune, peu avant ses dix-huit ans. Pour ses premières pièces, il investit le piano préparé, inventé par Cage quelques années auparavant. Par l’inclusion sur et entre ses cordes de divers objets (pièces de monnaie, boulons, etc.), le piano sert de percussion et montre des effets de texture, de durée et d’intensité inédits. La préparation peut n’affecter qu’une partie des touches, ce qui induit un jeu de notes « mixtes », c’est-à-dire modifiées ou non.

C’est ce procédé que Christian Wolff emploie pour plusieurs de ses compositions également marquées par l’utilisation d’un nombre limité de notes. Durant la dizaine de minutes de For Piano I (1952), seulement neuf sont jouées à des intervalles parfois grands. Ces particularités entraînent un état de méditation concentrée, troublé seulement par la fin du disque où l’on se demande durant plusieurs minutes si une note de piano doit encore retentir.

Au contraire, dans For Piano II (1953), les 88 touches de l’instrument doivent être jouées par l’interprète, libre de choisir son tempo et sa force de frappe. En effet, les partitions de Wolff autorisent par leurs omissions volontaires cette plus grande responsabilité de l’exécutant. Cet intérêt pour des « partitions ouvertes » où des schémas et indications sommaires peuvent prendre la place de l’habituelle portée montre que Wolff veut susciter une multiplicité de lecture de ses compositions.

L’œuvre pour piano de Christian Wolff a ainsi été envisagée par de sublimes interprètes, compréhensifs de son esthétique pointilliste : David Tudor, pianiste-clé de l’école de New York, ou encore John Tilbury, un des fondateurs d’Amm, groupe pionnier de l’improvisation libre. Plus récemment, Steffen Schleiermacher, reconnu notamment pour son intégrale de la production pianistique de John Cage, en a fait un très bel enregistrement pour le label Hat Hut.

(Alexandre Galand)


Artists

WOLFF, Christian
0