COSMOS


« Performance live. Ondes sinusoïdales, contacts-frottements entre objets divers et micro (Sachiko M). À cela se greffent les jeux de voix d’Ami Yochida, travail d’abstraction radicale de la structure vocale. Les composants électroacoustiques et vocaux se mélangent et fusionnent, rendant complexe leur identification. Étonnante imbrication. » (Jérôme Henry)

Note d’écoute

Deux corps. Un micro. Une voix. Des ondes. La combinaison est insolite, mais sobre, dépouillée. Il n’y a pas accumulation d’appareils, de technologie. Un certain épurement à défaut d’une certaine pureté. Et les corps comptent beaucoup puisqu’il s’agit d’une performance live et que finalement, les sons tourneront, proviendront beaucoup de ces corps. Nul doute que ce dispositif déconcerte, remet question le fait que cela soit de la musique. Mais dans ce qui peut sembler une incongruité musicale existe une densité, une ferveur qui finit par dégager de la grâce. Il y a une fièvre. Derrière cet exercice, ça travaille, ça crépite, l’engagement est sérieux, il se passe quelque chose, ça imagine, ça irradie. Presque impudique.

Le mystère des dents. Quand elles poussent et déchirent les gencives, le monde tourne autour d’elles. Douleurs, grincements, fièvre, cris, salivation. Un monde, un univers. Une bulle. Quand une dent balance, qu’elle tient à un fil, elle absorbe toute l’attention. On se concentre sur ses mouvements. Les sensations que cela procure. Douleur, salive, goût du sang qui se répand dans la bouche. Excitation de sentir quelque chose qui se détache du corps, qui va tomber, laisser un vide, un creux. La langue travaille. Cela devient en soi un cosmos intérieur, complètement absorbant.

Le disque donne à entendre les petites musiques étranges, musiques de frottements, entre ces légers cosmos intérieurs. Quand la vie d’un organe s’isole, se transforme en univers à part entière. Cosmos craquants. Bulles intérieures aux lisières fragiles. En gestation, entre douleur et extase. Ces zones crépitantes qui se créent aussi entre plusieurs vies qui se rapprochent cherchent leurs intersections. Interpénétrations de bribes infimes, intimes. Le bruit de ces interpénétrations fibreuses, comme des intrusions, comme des mélanges qui s’enchantent aussi. Explorations. La voix lâche des sortes de méduses très fines, découpées, ouvragées, compliquées, qui flottent au ralenti, ou s’écrasent, se déchirent. Amplification hypertrophiée, au ralenti, de toutes ces secrétions qui se déclenchent dans un acte de reconnaissance entre zones personnelles, de rapprochement. Petites musiques chipotées au ras des pores, des tissus, et dans la lumière rasante de l’aura qui s’en dégage. Une agitation séminale abstraite. Un cantique chaotique, erratique dans l’univers buccal, les danses labiales (le micro semble explorer le palais, ses reliefs, sa voûte, les nervures et les cordes qui conduisent à l’émission vocale, celle-ci répercutée par l’ivoire des dents brillantes…). Plongez dedans !

(Pierre Hemptinne)


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